Perspectives mensuelles

Dette émergente : L’âge de la maturité

L’affaiblissement du dollar et l’amélioration des fondamentaux font de la dette émergente une classe d’actifs attractive à part entière, explique Meena Santhosh, spécialiste de l’obligataire.


Auteurs

    Meena Santhosh
    Client Portfolio Manager
    Head of Multi Asset & Equity Solutions, Co-Head Investment Solutions

Résumé

  1. La remise en question de l’exceptionnalisme américain pèse sur la vigueur du dollar
  2. L’obligataire émergent représente désormais une classe d’actifs de 8 000 milliards de dollars
  3. Sélectionner les gagnants et éviter les perdants est la clé de la gestion des portefeuilles de dette émergente

Jadis considérées comme « niche » en raison de l’instabilité de certains pays en développement, les obligations émises par des pays et des entreprises d’Asie, d’Afrique et d’Amérique latine représentent aujourd’hui une valeur de marché de plus de 8 000 milliards de dollars.

L’affaiblissement potentiel du billet vert sur fond d’incertitude liée à la politique commerciale, l’introduction d’un plancher universel des droits de douane et la menace de droits de douane supplémentaires brandie par le président Donald Trump devraient profiter aux marchés émergents, dont beaucoup sont des exportateurs de matières premières. Ces marchés verraient leurs recettes augmenter une fois leurs ventes en dollars converties en devise locale.

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L’exceptionnalisme américain

« Corrigé des écarts d’inflation, le dollar évolue actuellement à son niveau le plus élevé depuis les années 1980 », déclare Meena Santhosh, gérante de portefeuilles clients au sein de l’équipe en charge de l’investissement obligataire. « Aujourd'hui, l’incertitude provoquée par la politique américaine et la remise en question de l’exceptionnalisme américain, telle qu’observée sous Trump 2.0, pèsent sur cette tendance haussière de longue date du dollar.

Cette imprévisibilité politique et l’incertitude liée à la guerre commerciale, conjuguées à des changements progressifs dans les politiques budgétaires et de défense de l’Europe, laissent une marge de manœuvre pour des réallocations en dehors des États-Unis qui pourraient commencer à freiner le marché haussier du dollar, qui a débuté il y a une vingtaine d’années.

La dette émergente a signé une piètre performance ces 15 dernières années, surtout due à la vigueur du dollar plutôt qu’à la faiblesse globale des marchés émergents. Cela pourrait changer.

Les marchés émergents ont beaucoup à y gagner, en particulier les régions liées aux matières premières, et les pays d’Europe centrale, du Moyen-Orient et d’Afrique (CEEMEA) qui sont intégrés dans les chaînes d’approvisionnement industriel de l’Europe présentent également de solides perspectives de croissance. »

L’univers de la dette émergente a connu un formidable essor ces deux dernières décennies

Source : Robeco, JP Morgan, Bloomberg

Répercussions post-pandémie

La classe d’actifs de la dette émergente a été touchée de plein fouet par la pandémie de Covid-19 et l’invasion de l’Ukraine par la Russie, qui ont gravement perturbé les chaînes d’approvisionnement et conduit certains pays à faire défaut de paiement sur leur dette souveraine. Cette situation a donné lieu à toute une série de révisions à la baisse de la notation des obligations.

« Nombre de ces pays qui se sont retrouvés en situation de surendettement à la suite de ces chocs, ainsi que des pays qui, globalement, connaissaient des difficultés permanentes, comme l’Argentine, ont depuis lors finalisé leurs restructurations et, dans certains cas, les ont entièrement réglées », explique Meena Santhosh.

« Les fondamentaux des marchés émergents ont renoué avec une trajectoire d’amélioration à la faveur d’une reprise de la croissance économique, de la reconstitution des réserves nationales et de la collaboration des pays avec le FMI pour améliorer leurs fondamentaux. Cela se reflète dans la tendance des notations, qui indique à présent de fortes augmentations nettes.

Les spreads, c’est-à-dire la différence entre le rendement de la dette émergente et celui des obligations d’État des marchés développés les mieux notées, se resserrent, ce qui témoigne de la stabilité et de la solidité de cette classe d’actifs. Cela laisse entrevoir de meilleures perspectives générales pour le paysage des marchés émergents à l’avenir. »

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Sélectionner les gagnants et éviter les perdants

Toute imposition future de droits de douane par les États-Unis aura des effets asymétriques sur les coûts et les chaînes d’approvisionnement d’un éventail de secteurs et d’industries. Les marchés émergents sont les principaux producteurs de matières premières telles que l’huile de palme, le riz, le pétrole, les métaux précieux et le bois d’œuvre. Les produits manufacturés vont des textiles et des voitures aux produits chimiques et aux semi-conducteurs de haute technologie, qui se sont tous vus imposer des droits de douane.

« La dépendance à l’égard des exportations de biens manufacturés en provenance des marchés émergents et à destination des États-Unis peut constituer une bien plus grande vulnérabilité que celle à l’égard des matières premières », explique Meena Santhosh. « Les exportations de matières premières pourraient être moins touchées, car elles sont plus difficiles à remplacer au niveau national et sont généralement moins réglementées par la politique industrielle des marchés finaux.

En général, les entreprises des marchés émergents qui exportent des biens manufacturés sont plus développées que les exportateurs de matières premières ; leurs obligations se négocient donc à des spreads plus serrés, ce qui les rend relativement plus stables. »

Opportunités d’alpha dans la dette émergente

« Ces 10 dernières années, une grande partie des gérants actifs ont surperformé les produits passifs comme les fonds indiciels cotés (ETF) après frais au sein de la dette émergente », ajoute Colin Graham, codirecteur de l’équipe Robeco Investment Solutions. « Une gestion active dans la dette émergente par rapport aux classes d’actifs diamétralement opposées, comme les actions américaines, a certainement de solides arguments à faire valoir.

Certains pays sont également moins vulnérables aux droits de douane ou à une future guerre commerciale, ou disposent d’un plus grand pouvoir de négociation pour les contourner », précise Meena Santhosh. Il est donc important de se montrer plus sélectif à l’heure de choisir les obligations émergentes à acheter.

Cet exercice se fonde toujours sur une analyse au cas par cas, car certains pays, notamment le Mexique, peuvent être plus susceptibles de conclure des accords avec les États-Unis que des rivaux géopolitiques comme la Chine. »

Un vaste univers de la dette émergente

En tant que classe d’actifs, la dette émergente a connu un essor ces deux dernières décennies, atteignant une capitalisation boursière supérieure à 8 000 milliards de dollars à la fin de l’année 2024. Ce marché représente aujourd’hui environ 11 % du marché obligataire mondial et sa croissance a été tirée par la dette émise en devises locales plutôt qu’en devises fortes comme le dollar.

« Beaucoup de grands pays, comme le Brésil, la Chine et l’Inde, ont été en mesure d’émettre de la dette publique dans leur propre devise locale, ce qui signifie qu’ils ne doivent plus s’en remettre uniquement au marché plus étroit du financement en devises fortes », explique Meena Santhosh.

« Comparé aux classes d’actifs traditionnelles qui constituent la majeure partie d’un portefeuille multi-actifs mondial, la dette émergente en devises fortes peut offrir, en moyenne, des rendements additifs plus élevés et une diversification par rapport à d’autres actifs à haut rendement dans un portefeuille multi-actifs », ajoute Colin Graham.

« Nos recherches ont montré que, historiquement, une combinaison de dette émergente et de High Yield a tendance à offrir un profil d’écart de performance global plus stable, surtout si l’on tient compte des écarts de performance au fil du temps entre la dette en devise locale et celle en devise forte. Ces recherches appuient peut-être les arguments en faveur d’une prise en compte plus sérieuse de la dette émergente dans l’allocation stratégique d’actifs à long terme pour constituer des portefeuilles multi-actifs équilibrés. »


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